Vers la République française régénérée

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CITATIONS DE TEXTES D’EDGAR QUINET


Edgar Quinet vécut de 1803 à 1875 A.L.P.J.C. Il était notamment historien et philosophe, et fut député. Il publia plusieurs textes dont voici des citations de quelques-uns.


1845* A.L.P.J.C.


Le christianisme et la Révolution française, Edgar Quinet, Paris : Comptoir des imprimeurs réunis, 1845*.
P. 399. « Comment ne pas voir que le Catholicisme accomplit chez nous, depuis un demi-siècle, une mission extraordinaire ? Sitôt que la France veut se reposer, cet esprit du passé se réveille ; il se lève, il la provoque, il la harcèle, jusqu’à ce que, pour lui échapper, elle se jette dans l’inconnu. » (Fin de citation.)
Avec les mots « inconnu », les mots « inhabituel » et « aventure » conviennent. Celles des forces financières qui n’aiment pas ça sont donc toujours hostiles et alliées aux forces religieuses placées en position de tyrannie. Chacun choisit son camp.
Plus d’un siècle plus tard et ensuite, l’influence ténébreuse, soporifique, illusionnante de l’Église papiste fut très forte. La pensée jésuitée au pouvoir fit créer une tyrannie mahométane en France. On lui reproche notamment de considérer ses règles supérieures aux lois mais cette position est aussi celle de lÉglise papiste. Ces deux religions ont dautres positions semblables. Même les moins tyrans des mahométans militants n'accepteraient pas que leur religion soit désétatisée en France. Cette tyrannie mahométane, qui a en plus le comportement très conquérant et imposant de certains de ses adeptes de base, fit comprendre à certains des partisans zélés de la tyrannie papiste l'intérêt de lutter contre cela en créant de la séparation étatique, cest-à-dire de la laïcité au sens authentique. Il leur faut aussi comprendre la situation à propos de leur religion. Est-ce que c’est la tyrannie mahométane qui finira par provoquer un nouveau réveil de la nation française ?


1850*, SOUHAIT D’UNE SÉPARATION COMPLÈTE ENTRE L’ÉTAT ET L’ÉGLISE PAPISTE


L’enseignement du peuple, Paris : Chamerot, 1850 A.L.P.J.C.
« Que le catholicisme accepte un seul moment la liberté de conscience, qu’il reconnaisse le droit divin des autres cultes, qu’il s’asseye dans un conclave théologique avec le rabbin et le pasteur ; de son aveu même, il perdra sa raison d’être. D’autre part, cédez une partie quelconque du droit de l’esprit humain, le reste suit. Dans ces luttes entre deux principes irréductibles, point de milieu. Quiconque capitule se livre. Ou la société s’asservit à l’Église, ou l’Église à la société laïque. Le seul moyen de conciliation est de tracer entre elles une ligne qui descende jusqu’aux entrailles du globe. » (F.d.c.)


1854*, QUINET ET L’ŒUVRE DE PHILIPPE DE MARNIX DE SAINTE-ALDEGONDE


Après le Coup d’État de 1851 P.T.C. fait par le prince-président, futur Napoléon III, Edgar Quinet se réfugia aussitôt à Bruxelles, avant même le prononcé de sa proscription. Il vécut d’abord là puis alla en Suisse.
Son séjour en Belgique fut la cause de sa découverte de l’œuvre écrite de Philippe de Marnix de Sainte-Aldegonde qui était mort le 15 décembre 1598 A.L.P.J.C.
En 1854*, Quinet publia un livre de présentation de la vie de celui-ci, de son action, de ses œuvres, en reproduisant des extraits. Ce livre aurait été interdit en France.
Fondation de la République des provinces-unies. Marnix de Sainte-Aldegonde, « édition interdite en France et autorisée pour la Belgique et l’étranger », Bruxelles : imprimerie de A. Labroue et Compagnie, 1854*.

Voici des extraits de ce livre. (Une note de bas de page est ci-après insérée dans le corps du texte.)

« Après une vie si féconde, il restait à Marnix à composer le plus considérable de ses ouvrages, celui qui faisait dire à Bayle qu’Aldegonde avait arraché à l’Église romaine plus d’esprits que Calvin. Aucun historien, ni aucun biographe, depuis la fin du XVIIIe siècle, ne parait avoir eu connaissance du Tableau des différends de la religion, et il n’est pas étonnant que l’Église catholique ait mis un zèle infini à faire disparaitre le chef d’œuvre de Marnix. [...]
Mon étonnement fut grand, lorsque pour la première fois tomba entre mes mains un des rares exemplaires de ce livre, échappé, je ne sais comment au bucher. J’étais surpris que l’auteur d’un ouvrage où la langue française a servi à livrer de si terribles assauts fût entièrement inconnu dans mon pays. Une si impitoyable ardeur à déchirer du haut en bas le voile de l’Église, c’est ce que je n’avais jamais vu. Il me sembla un moment que Voltaire même était craintif et repentant auprès de ce hardi ravageur qui secoue avec tant de fureur les colonnes du temple. [...]
Je m’étais toujours demandé comment il se pouvait que la langue française n’eût pas produit au XVIe siècle aucun de ces ouvrages hardis qui chez les autres peuples marquent les représailles de la renaissance contre la foi du moyen-âge. Fallait-il arriver jusqu’à Voltaire pour trouver chez nous la guerre ouverte ? Le protestantisme et la philosophie avaient-ils cédé le terrain après la Saint-Barthélemy sans pousser un cri ? Notre Satire Ménippée, si ingénieuse, si charmante, n’était pourtant au fond qu’une satire très circonspecte, très orthodoxe des excès politiques de la Ligue. Rabelais lui-même restait catholique. Soit prudence, soit indifférence épicurienne, il n’avait jamais poussé la guerre à outrance jusque dans le dogme ; d’ailleurs ses personnages gardaient toujours leurs masques gigantesques. Chacun voyait ce qu’il voulait sous ce déguisement : philosophie peut-être très hardie, assurément très commode. Quoi donc ! l’esprit français aurait-il gardé pendant tout ce grand siècle une réserve si prudente en face des échafauds ! La langue française ne répondra-t-elle que par des épigrammes à la Saint-Barthélemy ? Non, le Tableau des différends de la religion, publié à La Rochelle aussitôt qu’à Leyde, remplit ce vide. [...] L’ouvrage de Marnix ne parut qu’après sa mort, [...] par sa veuve [...]. Nos Français de La Rochelle font écho aux acclamations parties de Leyde.
Ce grand Marnix est mort...
Ici gisent les os du grand Sainte-Aldegonde ;
Son esprit est au ciel, son lot par tout le monde. 2
[(2) Chant funèbre sur le trépas de Philippe de Marnix, La Rochelle, 1605.]

Il y a dans le Tableau des différends de la religion toute sorte de styles, de langues et d’esprits différents. L’originalité la plus frappante est de voir les deux extrêmes du XVIe siècle s’unir : ce qu’il y a de plus élevé dans l’idée, ce qu’il y a de plus orgiaque dans la forme, Calvin et Rabelais, le puritanisme et le pantagruélisme ; à travers tout cela, un esprit très fin, très lumineux, quelquefois l’espièglerie, la malice d’un fabliau, et tout à coup une austère doctrine qui surgit du fond de ces ténèbres marmiteuses. En comparant au vocabulaire de Rabelais celui de Marnix, on voit combien là aussi il est créateur, combien il ajoute de mots heureux, pittoresques, à l’idiome de Gargantua ; on pourrait former un glossaire de Marnix, et ce ne serait pas un ouvrage d’une médiocre étendue. [...]

Il me semble que lorsqu’on n’a pas lu Marnix de Sainte-Aldegonde, on ne sait pas du tout ce que renferme encore de flammes et d’ironie vengeresse la langue française. [...] Marnix complète ainsi le domaine de la langue française ; elle nous gardait des trésors cachés pour les temps de disette. À un autre point de vue, Marnix ôte au protestantisme son apprêt et sa roideur. Il a su concilier avec le tour d’esprit le plus populaire l’élévation continue de la doctrine. [...]
Ce livre, véritable catapulte, le plus grand, le plus sanglant, le plus robuste des pamphlets que la langue française ait produits, parut en 1599. Ce fut le dernier mot du XVIe siècle. » (F.d.c.)


1857*, SOUHAIT DE DESTRUCTION COMPLÈTE DE L’ÉGLISE PAPISTE


Edgar Quinet avait exprimé son souhait de séparation des Églises et de l’État mais, à propos de l’Église chrétienne papiste, il ne correspondait pas à la totalité de son souhait.
Face à une religion qui ne cesse de vouloir dominer toute l’humanité et qui agit constamment en ce but par tous les moyens possibles, Quinet connaissait l’impossibilité de l’établissement d’une séparation qui la laisserait subsister. Il souhaitait donc la destruction complète de cette Église, seul moyen de créer une séparation, seul moyen de créer un régime de liberté de conscience notamment. En ce but, il admettait tous les moyens pouvant être efficaces d’après son opinion. (En pratique, ça correspond au moins à l’interdiction dans le pays où la nation le décide. L’Église papiste ne voulut pas accepter un début de séparation avec l’État-pouvoir public et c’est donc une séparation d’avec l’État-pays qui lui sera imposée, puis une séparation d’avec toute existence.)

Probablement en conséquence de la parution du livre de Quinet de 1854 A.L.P.J.C., des Belges décidèrent la publication des œuvres complètes de Marnix. À cette occasion, ils demandèrent à Quinet de rédiger une introduction.
Le livre paru en 1857* à Bruxelles, édité par l’Imprimerie de F. van Meenen.
Cette Introduction fut aussi publiée à part. La révolution religieuse au dix-neuvième siècle, introduction générale aux œuvres de Philippe de Marnix, texte publié dans la revue La libre recherche, « revue universelle dirigée par M. Pascal Duprat », deuxième année, tome sixième, Bruxelles : Bureau de la libre recherche, 1857*. Duprat s’était aussi réfugié à Bruxelles en conséquence du Coup d’État de 1851 P.T.C.
Cette Introduction est aussi dans le tome 11 des œuvres complètes de Quinet éditées par la Librairie Pagnerre, et dans le tome 24 de celles de Hachette.

Dans ce texte, Quinet envisagea une alliance de tous les partisans de conceptions ayant souffert sous l’oppression de l’Église papiste, afin de détruire celle-ci. Il se trompait : le vingtième siècle A.L.P.J.C. fut celui de l’alliance de plusieurs religions avec celle-là qui, en plus, n’est pas la seule à mériter la destruction.

Voici des extraits de cette « Introduction générale aux œuvres de Philippe de Marnix ».


« Depuis le jour, où ma bonne fortune m’a conduit à étudier la vie de [Philippe de] Marnix de Sainte-Aldegonde, et à entrer en commerce avec cet esprit héroïque, j’ai travaillé à faire revivre ses œuvres à peu près ensevelies sous trois siècles de persécution, d’oubli, ou d’ingratitude. [...]
Voici pour l’honneur de la Belgique le monument de son grand citoyen, du premier de ses écrivains. Un proscrit [Quinet] relève la mémoire d’un proscrit. [...] Marnix [...] est un athlète de la vérité, un destructeur du mensonge. [...] C’est ici le triomphe de la vérité et de la sérénité humaine sur les masques et les épouvantements de l’église de Rome. Que personne n’y soit trompé : Marnix n’a pas voulu seulement, à l’exemple d’autres écrivains, discuter cette église comme un point littéraire. La lutte est sérieuse et à outrance. Il s’agit ici non-seulement de réfuter le papisme, mais de l’extirper, non-seulement de l’extirper, mais de le déshonorer, non-seulement de le déshonorer, mais, comme le voulait l’ancienne loi germaine contre l’adultère, de l’étouffer dans la boue. Tel est le but de Marnix. [...]
Que veulent dire ces œuvres d’un autre siècle, rendues ainsi à la lumière ? Pourquoi reparaissent-elles aujourd’hui ? Qu’ont-elles à enseigner aux hommes de notre temps ? [...]
Je revendique l’honneur de n’avoir cessé, depuis trente ans, un seul jour, de montrer l’incompatibilité radicale, absolue de cette forme de religion avec la civilisation moderne, avec l’affranchissement des nationalités, avec les libertés politiques et civiles. [...]
Il faut que le catholicisme tombe ! Ce cri commence à partir du vieux monde et du nouveau. [...]

Il faut que je reconnaisse ici les avantages qu’ont sur nous les ennemis de la liberté. Quel que soit leur pays, leur croyance, tous ont eu un instinct infaillible quand ils se sont ralliés autour de l’église romaine, comme autour de leur citadelle. Si la nécessité de nous préserver laissait encore quelque place à l’admiration, j’admirerais sans difficulté cette tactique vive, rapide, plus prompte que le raisonnement, qui, en toute contrée, dans toute langue, a montré aux partisans de l’oppression que leur appui naturel, leur lien, leur force, la clef de leur position est là ? Tous ont reconnu leur labarum [mot latin signifiant étendard]. Pas un ne s’y est trompé. Nulle tergiversation, nul besoin de se concerter. L’instinct, la force des choses ont parlé. Rome papale est devenue le ciment de tout ce qui reste de servitude sur la terre.
Combien hélas ! il en a été autrement des amis de la liberté ! Je me lasserais, si je voulais seulement énumérer les faux raisonnements, les subtilités, les illusions, les sophismes, par lesquels ils ont voulu se tromper eux-mêmes sur la nature du danger et fermer les yeux au progrès, à la marche, aux usurpations de leur mortel ennemi. Que d’efforts, que de catastrophes n’a-t-il pas fallu pour les contraindre de voir le coup qui les frappait déjà ! D’abord, ce n’était qu’une fausse alarme, une alerte sans cause, une opinion de poète, quelque préjugé philosophique. Puis quand l’ennemi a été plus près, fallait-il donc le craindre ? il était trop chétif pour qu’on daignât s’en soucier. D’ailleurs n’était-ce pas plutôt un allié, peut-être quelque ami ? Le bas clergé au moins, n’était-ce pas la pure démocratie ? Fallait-il donc se défier aussi des siens ? Après tout, la révolution convertirait bientôt l’Église. Qu’on lui fasse seulement bénir la liberté en germe : la réconciliation sera complète. [...]
Dans le contrat entre le catholicisme et la liberté, tel que notre temps l’a signé les yeux fermés, les parts sont vraiment trop inégales. Il ne peut subsister, sans quelque correction. Vous en jugerez vous-même. Le catholicisme, partout où il rencontrera la liberté, s’il est le maitre, jure de la détruire, et il la détruit en effet. Réciproquement, la liberté, si elle est maitresse, partout où elle rencontrera le catholicisme, jure de le respecter. Abattu, elle le relève ; vaincu, elle lui demande grâce ; l’un combat avec un glaive tranchant, l’autre avec un roseau rompu. Ce contrat doit-il durer toujours ?
La liberté, est-ce le droit et le pouvoir de détruire aisément et impunément la liberté ? Ainsi le monde sera la proie d’une scolastique nouvelle, et nous n’essaierons pas même d’en sortir. Nous tomberons sous la fatalité de deux ou trois syllabes, et elles auront la puissance magique de nous ôter le plus simple bon sens. Il suffira que l’ennemi nous ait surpris le mot du guet, pour que nous nous croyions obligés de lui ouvrir la porte. Parce que l’oppression a appris de nous à prononcer le mot de passe liberté, nous voilà obligés en toute conscience de lui livrer la place que nous avions charge de défendre ! [...]

La première chose à faire, est de sortir des illusions. Quelles que soient vos intentions, vos espérances, ne croyez pas qu’une vieille religion, même caduque, disparaisse de la scène par l’action seule du temps ou par le travail latent de l’esprit humain ; c’est là une idée fausse, un leurre ; il faut y renoncer. [...] Qu’importent la réfutation, la discussion, la lumière, la parole, à qui n’a plus ni yeux pour voir, ni oreilles pour entendre ?
Voulez-vous savoir comment les vieilles religions disparaissent ? L’église catholique a donné le modèle accompli de ces sortes de changements ; et je ne sais comment elle pourrait repousser comme exécrable le droit qu’elle a fait elle-même et sur lequel elle repose.
Ses historiens ont peu à peu réussi à faire admettre de tous, que la foi catholique a renversé les religions antérieures par la seule expansion de la doctrine, par le seul empire de la persuasion, de la beauté, de la bonté morale, sans que la force et l’autorité aient eu besoin de s’en mêler. [...] L’avidité, l’acharnement avec lesquels les empereurs du Bas-Empire [romain] ont saisi l’unité catholique dès qu’ils l’ont entrevue, est un des spectacles les plus extraordinaires du monde. Ils se sont précipités sur cette arme comme des furieux, sitôt qu’ils l’ont aperçue. Longtemps avant d’être convertis au christianisme, ces despotes avaient vu tout ce que le despotisme aurait à tirer de l’église catholique. Voilà pourquoi Constantin, avant qu’il fût chrétien, avant qu’il fût baptisé, était déjà fanatique de ce nouvel instrument de domination. Il avait découvert l’Église par le côté politique. Un naufragé ne se jette pas sur une planche qu’il rencontre, en pleine mer, avec plus de furie que n’ont fait les empereurs de la décadence sur l’unité de l’Église, pour sauver l’unité dispersée du Bas-Empire qui craquait de toutes parts. Entre ces deux tyrannies, l’une naissante, l’autre expirante, de l’Église et de l’Empire, il y eut un accord subit, dès qu’ils furent mis en contact. [...]
Sitôt que la foi catholique fut armée et maitresse, elle se proposa de se débarrasser de la vieille religion payenne. Pour cela, elle ne se borna pas à instruire, à prêcher, à convertir, à catéchiser ; elle profita de l’occasion, dès que l’occasion lui fut donnée. Pour réduire le paganisme à l’incapacité de nuire, elle ne se contenta pas de le dédaigner ; elle voulut en finir. Avec ce projet, elle adopta un ensemble de mesures parfaitement liées entre elles, fondement du droit catholique. [Alors Quinet cita longuement des décisions papistes relatives à une interdiction absolue des religions existantes autres que la chrétienne, avec destruction ou réaffectation de leurs temples, écoles, etc. destruction des statues et autres objets, sanction aux récalcitrants, notamment par la mise à mort.]
Supposez un moment que la religion catholique qui a fondé ce droit y soit soumise seulement pendant deux générations, et dites-moi ce qu’elle deviendrait elle-même après cette épreuve. [...]
De ce qui précède, vous pouvez conclure, que l’autorité catholique dans sa lutte avec le paganisme, a donné elle-même la méthode la plus absolue, la plus radicale pour réduire à néant une religion ancienne ; et si j’examine de près cette méthode, je la trouve si ferme, si logique, si consistante, que je doute, le problème étant posé dans toute sa rigueur, que l’esprit humain trouve rien de plus sûr pour le résoudre. [...]
Ici, je n’ai point à exposer ce qui dans cette législation contrarie l’esprit de notre temps, ni quelles sont les parties qui peuvent revivre encore. Je n’ai pas non plus à décider si par la loi de l’éternel talion, le droit catholique avec le tempérament exigé par l’humanité moderne est destiné un jour à envelopper à son tour l’église catholique. Ce serait vouloir entrer dans les conseils de l’avenir. Tout ce qu’un écrivain peut faire, c’est de réunir les matériaux par lesquels se forme et se murit quelquefois une de ses résolutions qui changent un siècle, et le couronnent. Mais dire par avance : faites ceci, faites cela ; tracer prématurément une méthode particulière, ce serait chose insensée, lorsque dans ces questions qui embrassent la nature humaine, tout dépend de la circonstance, du lieu, du moment, du degré de force, de passion, de volonté que vous trouvez parmi vos contemporains. [...]

L’exemple de la révolution française éclaircira ce qui vient d’être dit ; car il n’est pas sans utilité de remarquer combien dans ses décisions les plus extrêmes, en matière religieuse, cette révolution a été timide en comparaison des empereurs catholiques, Constantin, Théodose, Arcadius, Honorius, Valentinien, Théodose le jeune, qui ont fait passer l’âme de Rome impériale dans le génie de l’Église. Ces empereurs sont osé proclamé la chute de l’ancienne religion et finir par là l’ère ancienne, ce que n’a jamais osé la révolution française ; et je ne doute guère que ce manque d’audace d’esprit n’ait été pour quelque chose dans sa défaite. Car tandis qu’elle se donnait toute l’apparence de la persécution religieuse, et qu’elle déchainait contre elle tout le passé, elle n’osait pourtant frapper le passé religieux et y mettre légalement un terme. En sorte qu’elle n’ôtait pas à ses ennemis l’espérance de renaitre, quoiqu’elle fit tout pour se les rendre irréconciliables. Situation qui est la pire de toutes et qui contenait infailliblement ces retours, ces revers que nous avons vus et que nous voyons encore. [...] C’était dire que l’orage allait passer et qu’il n’y avait qu’à attendre pour voir renaitre ce que la loi n’osait placer au rang des choses mortes.
Si donc l’on veut tirer de l’établissement politique de l’Église quelque enseignement capable de servir à la pratique des choses, en des circonstances considérables (puisque les hommes, quoiqu’ils en disent, n’ont point changé) voici, je pense, comment cet exemple de l’Église peut se résumer.
Celui qui entreprend de déraciner une superstition caduque et malfaisante, s’il possède l’autorité, doit avant tout éloigner cette superstition des yeux des peuples et en rendre l’exercice absolument et matériellement impossible, en même temps qu’il ôte toute espérance de la voir renaitre. Alors, avec la facilité qu’ont les hommes à se détacher de ce que leurs yeux ne voient plus, la première chose qu’ils font, c’est d’oublier. Une nouvelle génération se forme, qui n’ayant rien aperçu que les ruines de la religion morte est toute disposée à porter ailleurs son espoir et sa croyance. [...]
L’expérience n’a encore montré à aucune époque, en aucun lieu, que l’on ait pu, par exemple, laisser subsister avec toute sa force l’Église catholique dans le berceau de la liberté, sans qu’après un certain temps la liberté n’ait été trouvée étouffée dans ses langes.
Ceci explique pourquoi l’idée que la Convention s’était faite du système religieux était sans force et ne pouvait aboutir à une création solide. Lors même qu’aucun obstacle politique n’eût ruiné cette conception, elle se serait ruinée elle-même. La liberté, l’égalité de tous les cultes laissait une force accablante au plus ancien. Cette force n’eût laissé aucune chance de vie à l’ordre nouveau que l’on voulait établir ; le frêle arbrisseau n’eût pas manqué d’être écrasé, à sa naissance, par la vieille souche gothique qu’on n’avait pas osé extirper de la loi. [...]

Quelques-uns de ceux qui sont le plus décidés à mettre fin à l’église du moyen âge croient qu’ils arriveront à ce résultat lentement, graduellement, par l’autorité de l’éducation seule. [...] Que sont tous les systèmes disposés dans les livres, répandus par quelques mains, en comparaison de cette autorité qui enveloppe une nation de toutes parts ? Tant que cette autorité est debout et qu’elle pétrit l’âme d’un peuple, vos traités de philosophie, vos méthodes, vos conseils, vos avertissements, vos leçons, vos brochures, accueillis avec transport à la surface de la nation par quelques-uns, restent ignorés des masses qui ne connaissent, ne voient, n’entendent, ne respectent, ou ne craignent que l’Église, avec laquelle elles sont jour et nuit en contact, et qui peut d’un mot les perdre, les déshonorer, les ruiner, les effacer de la terre. [...] N’espérez donc pas que la pensée de vos livres, de vos systèmes s’enracine dans l’esprit des peuples que l’Église tient occupés par son culte, par sa liturgie, ses fêtes, ses terreurs. S’il arrive quelque écho lointain de vos enseignements dans le fond des peuples, ils en sont plutôt étonnés qu’éclairés. Voyez-les partagés entre une église qui a pour elle la menace, l’autorité, la force, et des idées qui apparaissent isolées, désarmées, en contradiction avec les ténèbres natives amoncelées sur eux ; ils ne tirent de cette opposition aucun résultat pratique ; ils ont peur sinon de l’enfer, au moins du prêtre. [...]
Le despotisme religieux, comme tout autre despotisme, ne peut être extirpé sans que l’on sorte de la légalité, puisque sa légalité c’est son caprice. Aveugle, il appelle contre soi la force aveugle ; et en effet avec le tempérament qui se forme dans les gouvernements et les religions de bon plaisir, il ne faudrait pas non plus se montrer trop étonné si tant de peuples serfs brisaient eux-mêmes demain ce qu’ils adorent aujourd’hui. [...]

Nous n’avons pas seulement des devoirs envers ce que nous appelons l’avenir ; nous avons premièrement des devoirs envers le présent. Accomplissons donc ceux-ci, et les autres s’y trouveront compris. Car ce n’est pas l’avenir qui est enchainé, c’est le présent ; c’est lui qui souffre et qui crie ; c’est vous, c’est moi, c’est nous tous, hommes qui vivons à cette heure sur la terre. C’est donc avec ce qui existe aujourd’hui, avec les éléments renfermés aujourd’hui dans le monde, que nous devons travailler à délivrer le monde. L’oppression est actuelle, elle s’exerce sur des êtres réels, vivants, dont la plaie est saignante. C’est donc avec des choses actuelles, avec les pensées qui existent aujourd’hui, quelque part, dans l’esprit de l’humanité, avec les forces vivantes présentes, que vous pouvez, que vous devez combattre une oppression vivante, présente. [...] Point de trêve avec l’Injuste ! Je n’en accepte aucune ! Point d’armistice avec le mal, avec le mensonge couronné et triomphant ! Point de suspension d’armes avec la force oppressive et homicide ! Si elle peut nous écraser, qu’elle le fasse. Nous n’en sommes point en peine. D’autres viendront après nous, meilleurs que nous ! [...]
Rien au monde n’est plus illusoire que d’attendre, comme vous le faites, la solution finale du problème. Cette solution ne vous sera jamais donnée par aucun livre, par aucun catéchisme ; vous passeriez des siècles à attendre ainsi vainement que l’eau du fleuve ait coulé pour vous faire un passage. Faites chaque jour ce que vous avez à faire. C’est la première règle pour résoudre la question. Mais croire que la solution suprême vous sera donnée en bloc, qu’elle tombera des nues comme un aérolithe, ou comme un autre Coran, et que jusque-là vous êtes dispensé de vivre, de sentir, de lutter, d’aimer, de haïr, de combattre à la manière des hommes, c’est une idée si insensée que toute une génération peut aisément s’y perdre. [...] Chaque jour apporte son devoir immédiat auquel il faut satisfaire, sa question à laquelle il faut répondre. Et un peuple, une génération qui donnerait sa démission d’hommes, sous le prétexte qu’un certain théorème, un certain scolie de géométrie sociale est encore à découvrir, cette génération se couvrirait certainement de ridicule et peut-être d’infamie. [...] Chacun cherchant sa formule a oublié de vivre. On n’a plus rencontré que des hommes qui construisaient l’équation, cherchaient les asymptotes de l’hyperbole sociale, et, en attendant, perdaient les instincts les plus simples, jusqu’à se mettre à la merci de tous leurs ennemis. [...] Pendant que les amis de la liberté, égarés par de fausses mathématiques, interrogeaient toute science, excepté celle de l’homme, pendant qu’ils cherchaient partout dans l’univers extérieur leur solution, excepté en eux-mêmes, les ennemis de la liberté agissaient autrement ; ils savaient que [...] l’important est de faire chaque jour un pas pour rester maitre de la place. Ils ne perdaient point terre ; car ils savaient encore que la victoire, à certains moments, est une affaire de tact, de sens, de coup d’œil, d’opportunité. [...]
L’ancienne illusion qui ne demande qu’à renaitre, qui nous a déjà perdus vingt fois, qui cherche un accord impossible et absurde entre l’Église et la liberté, entre le cercle et le carré, cette illusion, vous la relevez ; vous la réchauffez. Vous aveuglez ceux qui commencent à ouvrir les yeux. Quant à ceux dont les ténèbres font la vie, vous les fortifiiez de votre faiblesse. Ils règnent ; vous leur donnez le sacre ! Si vous êtes pour l’Église, dites-le. Mais si vous voulez le renversement de l’Église, n’appelez pas cela conciliation du catholicisme et de la démocratie. C’est se jouer de vos amis comme de vos ennemis. Ne nous prenons pas les uns aux autres nos noms, nos devises, nos drapeaux. Sauvons au moins, s’il se peut, la franchise de l’esprit humain. Sortons de la confusion. Mais comment en sortir, quand nous prenons plaisir à la faire renaitre d’elle-même ? Ô siècle tortueux qui détestes la voie droite, quand en aurai-je fini avec tes détours ? Dès que j’ai surpris une de tes subtilités, tu vas en serpentant, en rampant, te replier dans une autre plus obscure. Tu roules un peu plus loin tes anneaux et l’on ne peut te faire regarder en face la simple lumière du jour ! Que de subtilités j’ai déjà rencontrées ! En as-tu encore d’autres ! [...]

Après les sophismes que je viens de combattre, le premier que je rencontre, le plus enraciné, le plus contraire à l’établissement de la liberté, est celui-ci : que toutes les religions se valent au point de vue de la vérité, et même de la politique, en sorte qu’il n’y a nulle différence à établir entre les unes et les autres. Ce principe est le contraire de toute philosophie, de toute science, de toute l’histoire, qui cherchent partout à marquer la nature diverse des choses ; et cette fausse philosophie a entrainé bien vite des résultats mortels à la révolution, comme à la liberté ! Si la révolution française avait clairement vu ces degrés, ces différences, elle eût pu, en concentrant ses forces, ses inimitiés, ses décisions contre le culte qui exclut la civilisation moderne, éliminer ce culte, en laissant subsister le principe de la liberté, et ouvrir par là une ère nouvelle. [...] Ne refaisons pas la même faute. » (Fin de citation.)

Un régime de séparation des Églises et de l’État n’est pas incompatible avec l’interdiction d’une ou plusieurs d’entre elles. Au contraire, pour celles qui s’opposent par nature à l’instauration d’un régime nécessaire à la liberté, ces interdictions peuvent être une condition préalable à l’instauration d’un tel régime. De même, lorsque quelques personnes utilisent leur liberté pour porter atteinte aux droits des autres, leur emprisonnement ou leur mise à mort n’est pas une suppression de la liberté dans une société. De même, lorsque des doctrines visent à créer des atteintes à l’exercice des droits naturels d’après la couleur de la peau, et lorsqu’une société ne veut pas de ces doctrines, elles peuvent être interdites et pourchassées afin de tenter de les annihiler le plus possible.

 

1872 A.L.P.J.C.


La République, conditions de la régénération de la France, Edgar Quinet, Paris : Dentu, 1872*.

Première citation.
P. XVI. « Il est de nos jours un art arrivé à sa perfection. Devinez lequel. La peinture ? La sculpture ? Non. C’est donc la soierie, direz-vous, ou l’art de l’ameublement ? Point du tout. je parle de l’art de mentir et de calomnier. Une telle perfection s’explique par les lentes préparations de cet art dans la théologie des casuistes que combattait Pascal. Cette théorie dévote, qu’il est permis et honnête de mentir, de calomnier quand on y a un intérêt, reposait dans la poussière des [livres de format] in-folio [c’est-à-dire grands] de théologie, d’où elle a passé dans pratique usuelle et toute laïque de la contre-révolution. Elle repose sur les assises religieuses de la science du mensonge.
Voilà pourquoi elle est pratiquée avec une sureté qui nous étonne. Pascal s’indignait de cet art qui était alors dans son âge hiératique [car ça existait alors entre membres du clergé]. Que dirait-il aujourd’hui, s’il le voyait sorti de l’enceinte sacerdotale, consacré, sanctifié dans l’ordre politique et temporel ? Aurait-il encore la force de s’indigner ? Admirerait-il à son tour, comme nous, cette perfection qu’aucun siècle ne dépassera jamais ? Je pense qu’une telle science de la fraude, un art si accompli dans la calomnie, un idéal des bons pères [jésuites] si bien réalisé le frapperait de stupeur comme la victoire du mal et l’avènement de l’enfer. » (Fin de citation.)

« ordre [...] temporel ». Quinet venait d’évoquer la France d’avant la Révolution française où, en conséquence d’une décision ancienne du pouvoir public français, toute la nation française était censée être dans l’Église papiste, était censée être l’Église papiste de France, ce qui ne correspondit jamais à la réalité. L’État-pouvoir public français était donc entièrement dedans. En cette situation, le pouvoir public était partagé entre, d’un côté, les rois successifs qui n’étaient pas membres du clergé et, de l’autre côté, le clergé, avec le cas particulier des papes successifs de Rome. Il y avait donc deux domaines et deux pouvoirs, et il y eut toujours des problèmes pour déterminer la limite entre les deux domaines car dans le fond, ça ne tenait pas debout. (Ce qui est dans le fond est le problème suivant. Lorsque l’Église papiste n’est pas encore étatisée dans un pays, c’est-à-dire aps encore placée dans la vie publique, elle reconnait le pouvoir public de chaque pays compétent pour agir en matière de conscience, en matière de croyances, allant jusqu’à pouvoir distinguer entre plusieurs dieux et pouvoir choisir lequel est le vrai, le sien. Par contre, aussitôt après avoir été étatisée, elle annonce que le pouvoir public est incompétent pour agir en matière de conscience, en matière de croyances, avec toutes les conséquences qui sont innombrables car elles touchent à toutes les matières, notamment la sexualité, et que tout cela relève seulement du clergé. Comme ça se disait dans l’antiquité romaine, la religion chrétienne se présente pour servir, pour être la servante mais, après avoir été admise dans la maison, elle agit comme si elle était la maitresse.) Avant la Révolution française, il y avait donc deux domaines dits, l’un spirituel et l’autre temporel. Ce fut ainsi que Quinet, évoquant ce que Pascal verrait s’il pouvait voir « aujourd’hui », se retrouva en train de parler d’un « ordre [...] temporel » alors qu’un tel partage en deux domaines n’existait pas à son époque. (Actuellement, le clergé papiste fait encore comme si une répartition en deux domaines existait en France. Le pouvoir public français, gravement avilit, ne dit jamais que cette distinction n’existe pas dans la vie publique française. Il est aveuglé, plongé dans les ténèbres, soumis au clergé papiste, obéissant, et ne perçoit peut-être rien, car il ne veut pas percevoir, ce qui l’obligerait à réagir, ce qu’il ne veut pas faire.)
Par ailleurs, Quinet indiqua qu’il pensait « qu’aucun siècle ne dépassera jamais » la situation de son époque. Il se trompait comme le montre la situation française depuis plusieurs décennies où les religions triomphent au nom de la liberté et de l’égalité et où les partisans de celles-ci, au moins à propos de la tyrannie mahométane, sont combattus en tant qu’opposants à celles-ci. La déclaration de Valls publiée le 31 juillet 16 fait partie de cela.

Deuxième citation.P. 206. « Avez-vous entendu parler du curare, le roi des poisons ? Infiltré dans les veines d’un peuple, le jésuitisme produit sur une société des effets tout semblables à celui du curare sur l’organisation physique d’un individu : nul changement extérieur, le visage accoutumé, les dehors maintenus, les tissus conservés ; mais seulement l’énervation universelle, chaque fibre paralysée, l’atrophie de la volonté, plus de transmission de la pensée aux organes du mouvement, du centre cérébral aux muscles et aux membres ; la douleur au dedans, l’inertie impassible au dehors, le mal partout et nulle part, l’anéantissement interne, un simulacre de vie à la surface ; rien qui décèle nulle part le meurtrier et le genre de mort. Tel le curare, tel le jésuitisme. Le dix-huitième siècle a pu vomir ce poison, le dix-neuvième le pourra-t-il ? [...] la France [...] manque à l’esprit moderne ; ou plutôt le libéralisme français n’a pu s’élever au-dessus de cette formule jésuitique : "La liberté de détruire la liberté". Il tourne dans ce cercle, sans pouvoir le franchir, ayant perdu l’énergie de l’esprit, le jour où il a perdu la sincérité. » (F.d.c.)

Dans la citation, le mot « libéralisme » est employé. À l’époque, en matière économicosociale, il avait déjà la signification actuelle relative à des pouvoirs financiers voulant organiser la société à leur profit, la liberté des tyrans, et utilisant notamment la domination religieuse pour tenter d’y arriver. Le mot « libéralisme » était aussi employé de manière réellement favorable à la liberté à propos notamment de la réduction ou de la suppression de la domination religieuse.
Dans la citation, le mot « jésuitisme » désigne l’état de mentalité perfide et liberticide qui triomphait dans la vie publique. (Le dix-neuvième siècle tenta de se libérer à partir de 1879*, date de l’arrivée au pouvoir des républicains, surtout de ceux dits opportunistes, et ça se réduisit puis disparut en 1889*, période qui est appelée la République des républicains. Ensuite eut lieu une nouvelle période cléricale, délétère, appelée l’Esprit nouveau, qui provoqua la nouvelle dynamique anticléricale de la période de La Défense républicaine à partir de 1899*. Celle-ci tenta à nouveau, mollement d’abord, d’évacuer le poison clérical ; elle fut rapidement essoufflée et sa dernière production fut la loi du 9 décembre 1905 A.L.P.J.C. « concernant la séparation des Églises et de l’État » mais ne l’établissant pas. Le vingtième siècle A.L.P.J.C. fut clérical, et tellement jésuité, qu’il en devint inconscient et, pire, il développa les tyrannies religieuses déjà existantes et se retrouva dans l’obligation d’en créer d’autres, au nom de la liberté et de l’égalité, et en employant le mot laïcité avec des définitions corruptrices de l’authentique. Il combattit les opposants.)
« le mal partout et nulle part ». Ça correspond au grand malaise ressenti par une partie de la population française, dont une partie ne se rend pas compte qu’elle en est la responsable, l’auteur, puisqu’elle contribua à la mise au pouvoir de ses causes.

 

 

1873 A.L.P.J.C.


Préface à la dixième édition des textes titrés Les jésuites et L’ultramontanisme, dans la collection Œuvres complètes de l’éditeur Germer-Baillière, d’avril 1873*.

(En 1843 A.L.P.J.C., Edgar Quinet et l’historien Jules Michelet s’étaient mis, d’un commun accord, à dénoncer les jésuites dans leurs cours au Collège de France. Leurs cours étaient prononcés dans une ambiance tumultueuse où s’affrontaient leurs partisans et les cléricaux ameutés. Ces cours étaient partiellement reproduits par plusieurs journaux, provoquèrent quelques remous dans les rues, etc. Avant eux ou vers leur époque, le chansonnier Pierre-Jean de Béranger, 1780*-1857*, et Eugène Sue, 1804*-1857*, notamment, avaient contribué à la prise de conscience de la réalité et au développement de la liberté.)

« Si j’avais à résumer au point de vue religieux et civil l’histoire de ces trente dernières années, je dirais que l’esprit du catholicisme jésuitique a passé de l’Église dans l’État, dans la pratique des affaires, dans les combinaisons officielles, dans les règles de l’administration, dans les entreprises de la diplomatie, dans la conduite des assemblées, dans l’éloquence des habiles, dans la philosophie du libéralisme, dans le tempérament de la classe dirigeante, en un mot, dans le corps entier du monde politique et civil.
Le peuple seul, tenu à l’écart, a échappé à la contagion.
Que devait-il sortir de là ? Vous le savez maintenant. [...] Pensiez-vous donc que la transfusion du jésuitisme religieux dans les veines et les artères de l’État politique pouvait se faire impunément ? L’avez-vous cru un seul jour ? Vous devez être détrompés. [...]
Le principe jésuitique a continué de grandir. Il a débordé dans le libéralisme français ; il l’a corrompu au point de le convertir. Reconnaissez à ce signe le jésuite laïque et libéral : il nie l’existence ou la puissance du jésuitisme. Qu’est-ce que cela ? dit-il, cela n’existe pas ! [...]
Est-il bien sûr que l’esprit jésuitique a cessé de se répandre dans la vie publique ? Après avoir corrompu pendant trente ans le libéralisme français, que serait-ce s’il dénaturait aussi le républicanisme ? Que nous resterait-il pour sauver l’avenir ?

Voulez-vous voir ce que deviennent les maximes de l’esprit jésuitique, appliquées à la nationalité, à la guerre, à la régénération, à l’État ? Écoutez ce que devient la parole humaine.
Première maxime : Rendre son armée prisonnière à l’ennemi, cela s’appelle déjà, chez beaucoup de gens, sauver son armée. » (Fin provisoire de la citation.)
C’est une évocation de la trahison faite en octobre 1870* par Bazaine, général commandant en chef, qui livra la ville de Metz, dans l’est de la France métropolitaine, avec son armée et ses armes, à l’armée allemande qui envahissait la France. Il était bon papiste, donc royaliste, et, donc, ennemi de la République française.

Suite immédiate.
« Seconde maxime : Disputer au péril de sa vie le sol de la patrie à l’invasion, affaire de fous furieux. » (F. prov. d.c.)
Évocation des républicains qui refusaient de capituler devant l’invasion allemande.

Suite immédiate.
« Il y aurait tout un vocabulaire à former de sophismes de ce genre, nés de l’invasion qui, chaque jour, en enfantent de nouveaux. Tenir, dans la République, au mot, pour avoir la chose, [c’est déclaré être] exagération, radicalisme. Se contenter du mot, sans prétendre à la chose, [c’est déclaré être] marque d’un bon esprit, indice du sérieux d’homme d’État. Mutiler le suffrage universel, vrai moyen de le compléter et de le moraliser ; faire une chambre de royalistes, sure garantie donnée à la république ; perpétuer l’état de siège, méthode nouvelle d’habituer les mœurs publiques à la pratique de la liberté régulière ; replacer sur la colonne Vendôme la statue d’un Bonaparte, moyen de ruiner le bonapartisme ; [annoncer pouvoir] réconcilier la science avec le Syllabus, le sens commun avec l’infaillibilité [papale], la raison avec l’absurde, [c’est considéré comme la] preuve d’un esprit philosophique sagement libéral. » (F. prov. d.c.)
Ce sont des allusions à des faits des années 1870* à 1873*.

Suite immédiate.
« Pour moi, je dis et je répète comme en 1843 : Un État qui s’établirait sur ces non-sens courrait de nouveau à sa perte assurée. Extirpez donc ces sophismes nés de la décomposition des esprits sous les pieds de l'étranger. Sauvez au moins l’honneur de cette bonne vieille langue française qui voulait dire clarté, sincérité. Ne souffrez pas qu’elle devienne la langue de l’équivoque universel. L’équivoque est la mort des États et des peuples.
Déjà, dans les occasions les plus solennelles, personne ne dit plus le fond de sa pensée.
"Qu’il ne soit jamais question de principes". C’est une des règles fondamentales de Loyola. Vraiment, nous la prenons trop à la lettre !
Résumé : l’esprit jésuitique et clérical, en s’insinuant chez vous, en toutes choses, vous a perdus. Il a altéré les sources de la vie. Il vous a livrés à l’ennemi. Voilà le mal. Vous le connaissez comme moi. Vous le touchez. Qu’avez-vous fait, jusqu’à ce jour, pour vous en délivrer ? Rien.
J’ai trop vu la vérité étouffée, le faux honoré, le mensonge acclamé. Cela doit-il durer toujours ? De grâce, épargnez-moi au moins de voir, pour couronnement de ce siècle, une République jésuitique.
[...]
Ce n’est pas moi qui nierai la force du jésuitisme et des intérêts qui s’y rattachent. Cette tendance ne fait que commencer : à petits bruit, elle gagne dans les ténèbres ce qu’elle perd en plein jour. » (F.d.c.)
(Ces deux dernières phrases étaient déjà dans les leçons relatives aux jésuites données au Collège de France en 1843*.)
En France, l'esprit clérical jésuitique fait que, dans la vie publique, on ne parle pas de la tyrannie papiste qui est la principale tyrannie, et que, non seulement on fait comme si elle ne posait pas de problème, mais lon fait comme si elle n'existait pas. Les tyrans et les inconscients lapprouvent.

Le dix-neuvième siècle A.L.P.J.C. n’aboutît pas à une « République jésuitique » mais ne sut cependant pas sortir de l’erreur d’admettre l’existence des groupes ennemis de la liberté. La République française ne voulut pas les interdire, surtout l’Église papiste, ne voulut pas cesser d’admettre l’existence de la liberté de détruire la liberté, et elle en fut finalement vaincue.
Plus tard, la République française et tout le reste de la population française furent atteints par la perfidie jésuite des papistes, et la deuxième moitié du vingtième siècle A.L.P.J.C. et sa suite furent celui d’un triomphe d’une « République jésuitique » et le seront jusqu’au réveil qui mènera à la Nouvelle révolution.

 


1875 A.L.P.J.C.


L’esprit nouveau, Paris : Dentu, 1875*.
(Le nom « esprit nouveau » ne désigne pas la même chose que ce qu’il désigna environ vingt ans plus tard en tant que nom d’une période.)
« Vous demandez pourquoi la langue française perd de sa popularité dans le monde ? La réponse est facile. Son autorité diminue à mesure que s’accroissent les déclamations de la réaction française. Le vide, le creux, la fadeur jésuitique, combinés avec une rhétorique furieuse, la haine de la vérité, la peur de l’intelligence, l’horreur de la pensée, en quoi, je vous prie, cela peut-il intéresser le monde ? » (F.d.c.)



Dans Paris, 14e arrondissement, près de la gare Montparnasse, il y a un boulevard et une station de métro qui sont nommés Edgar Quinet.



Mise à jour le Lundi, 10 Octobre 2016 12:54